Trois battements, un silence by Anne Fakhouri

Auteur:Anne Fakhouri [Fakhouri, Anne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy, Littérature française
ISBN: 9782492403750
Google: Zne2EAAAQBAJ
Éditeur: Argyll
Publié: 2023-04-05T21:00:00+00:00

* * *

Il se glisse dans la chambre et réveille Hannah. Elle ne dit rien quand il prend Orphée dans ses bras, ébahi par sa lourdeur, ni quand il lui tend la main. Quand elle voit Éric, Alice et Martin qui les attendent dans le hall, ensommeillés, elle garde un visage impassible. Au début, les deux adolescents ne voulaient pas les suivre. Puis Marco leur a dit qu’il fallait sauver Orphée, le mettre à l’abri, et ils ont accepté. Le foyer a bien fait son travail de transmission chez ces deux-là. Encore quelques années avec Henri et ils seraient devenus de vrais bons petits soldats, aussi loyaux et butés que Tess.

Ils marchent en file indienne, Marco en tête, les yeux fixés sur la boussole, Orphée dans les bras. Il sait à quoi ils ressemblent ou du moins il l’imagine, une petite troupe d’exilés égarés dans la nuit qui a arrêté de bruisser. Plus loin, pourtant, le mouvement perdure, la nuit chuchote en les regardant passer. Il entend la comptine qui se forme et qui les compte. Éric n’a rien dit non plus, mais quand Marco se retourne, il le voit humer les buissons autour d’eux. Son profil se détache nettement, il a tourné la tête vers le bourdonnement qui colporte la nouvelle.

Derrière lui, il sent le pas léger d’Hannah et son cœur qui bat à toute vitesse, son cœur qui essaie de s’accrocher au sien mais qui hésite, qui s’emballe, qui décroche. Elle l’a pourtant suivi sans rien dire, mais devant le rocher fendu, elle se fige, elle le tire par le bas du t-shirt.

— J’aime pas cet endroit, murmure-t-elle. Henri y allait avant.

— La boussole ne ment jamais, lui répond-il.

— La boussole non, mais Henri, si.

Marco cale Orphée contre sa hanche et se retourne. Elle est là, immobile, anxieuse, minuscule et très pâle. Il cherche son cœur, même s’il s’est dérobé, et le trouve. Il le fixe sur le sien, en silence. Il entend sa peur et sa volonté juste derrière. Le cœur d’Hannah fait des bonds en avant, plus loin que le sien n’ira jamais. En douceur, il lui prend la main et l’attire vers lui.

— Dans mon temps, avant d’être dans la forêt avec Orphée poursuivi par je sais pas quoi…, continue-t-elle, il y avait Henri, exactement comme quand on était jeunes. Il m’a dit…, il n’a pas arrêté de me répéter… : « Ne m’épouse pas, Hannah, ne le fais pas. N’aie pas d’enfants avec moi. Aucun de nous deux n’a choisi l’autre…, c’est un mariage contre nature… C’est Ludwig qui voulait que je t’épouse. » Il m’a brisé le cœur, tu comprends ? C’était Henri comme quand je…

Elle le regarde bien droit dans les yeux et il finit sa phrase :

— Quand tu l’aimais ?

Elle n’a pas besoin de confirmer.

— Quand on était jeunes. C’était vraiment lui.

Il voudrait la serrer dans ses bras mais il n’ose pas. Il a tellement eu peur de la perdre qu’elle lui semble encore irréelle, presque quelqu’un d’autre. Pourtant, il sait tout d’elle, il sent jusqu’à son parfum le plus lointain, il le reconnaît.

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